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Les peuples autochtones : gardiens de l’Amazonie !

Dans le cadre de la Cop21, plus grande conférence sur le climat, organisée à Paris

du 30 novembre au 11 décembre 2015, il a été question de conventions entre Etats, de programmes institutionnels et de projets soutenus par la société civile. Sortant du champ étatique de cette conférence, quels sont les projets applicables sur le terrain, touchant directement la population ?

C’est dans cette perspective que je me suis intéressé en tant que reporter citoyen originaire de la Guyane Française à un programme mis en place en Amérique du sud, dans la région de l’Amazonie : le programme REDD+ Indigène (réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts indigène). Décryptage.

 

Par Aulaguea Thérèse 

Le programme REDD+, c’est quoi ?

Le programme REDD+ est un programme d’interaction entre biodiversité, climat et droit de l’homme. Ce dispositif a été lancé en 2008 par les Nations Unies et vise la réduction des émissions liées au déboisement et à la dégradation des forêts dans les pays en développement. Le principe repose sur la sauvegarde de la forêt et consiste à monnayer les tonnes de dioxyde de carbone enfermées par les arbres.

Ce programme est également controversé, car d’après des ONG, il impose une économie de marché néo-libérale sur les forêts, qui conduit à un affaiblissement et une monétarisation de la conservation communautaire et des processus sociaux et culturels.

Il est aussi reproché que les projets REDD+ ont tendance à obliger les communautés locales à entrer dans l’économie de marché et à devenir de la main-d’œuvre exploitée. Le danger selon les détracteurs du programme serait donc un rapport de domination de l’homme sur la nature et non plus un lien équilibré avec celle-ci.

 

Pour autant, il assure une plus grande autonomie des peuples autochtones tout en maintenant un partenariat avec des ONG et les pays concernés, c’est pourquoi les représentants des communautés tentent de l’améliorer.

  

Interview avec Fermin Chimatani Tayori représentant de la communauté autochtone Hakakbut du Pérou en Amazonie.

 » Nous avons une vision autochtone sur la manière dont nous voulons conserver la forêt « 

 

Quelle est la spécificité du REDD+ indigène ? 

Le REDD+ indigène est né d’une proposition des peuples autochtones pour faire face à la crise climatique qui affecte le monde, car la connaissance de ces populations contribue à mieux saisir l’adaptation environnementale faite par nos peuples.

La première chose consiste à conserver les forêts parce que les forêts ont une fonction de capture du CO2. Non seulement il faut évaluer la question du carbone, mais aussi tous les services éco-systémiques en lien avec les forêts. Nous devons aussi prendre en compte le sous-sol et installer un périmètre de sécurité sur les territoires. Ce sont les premières conditions.

Les peuples autochtones renforcent la gestion holistique du territoire, ils ont une vision et une pratique de gestion durable. REDD+ est aussi un outil pour éviter la déforestation et toutes les gestions des forêts qui peuvent contaminer l’environnement.

 

Comment ce programme a-t-il été pensé ?

Il a été conçu par des théoriciens des Nations Unies, des institutions internationales comme la banque mondiale et des ONG (organisations non gouvernementales) souvent subventionnées par les institutions mondiales. Ils sont venus voir les communautés, mais il y a eu parfois des situations problématiques puisqu’on a proposé à des communautés un contrat de carbone en anglais alors qu’elles ne comprennent pas la langue !

Avec la COICA (Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien), nous travaillons depuis 2010 à une proposition indigène qui a le même objectif que le REDD+ et la conservation de la forêt mais avec une vision autochtone sur la manière dont nous voulons y contribuer.

Nous tentons aussi de dialoguer avec les Etats, car parfois les territoires ancestraux sont menacés par des exploitations forestières, pétrolières et minières alors que cela est interdit. Il y a un vrai problème car l’Etat soutien les programmes de conservation et concède en même temps des exploitations pétrolières sur les territoires censés être protégés. Il y a un double discours, on interpelle donc les gouvernements.

Ce qui manque dans cette proposition c’est la certification technique pour une mise en place réaliste.

 

Quelle est l’application concrète de ce programme au niveau local ?

Nous avons des surveillants locaux qui patrouillent dans les forêts avec des stratégies d’auto-vigilance pour prouver que la police indigène conserve bien les forêts. Par exemple dans notre communauté, nous travaillons sur trois systèmes écologiques : l’eau, le stockage de carbone ­– pas pour le vendre mais pour le conserver – et sur la biodiversité. Avec l’appui technique des connaissances scientifiques et les connaissances autochtones on peut améliorer ces systèmes de conservation écologique. Ce sont des connaissances qui peuvent être complémentaires.

 

Quels sont les avantages et les limites de ce programme ?

Premièrement, ce sont que les peuples autochtones sont eux-mêmes qui sont les acteurs et non plus les intermédiaires pour gérer leur propre territoire. Cela va améliorer la distribution des fonds liés à cette conservation.

Mais tous ces efforts ne serviront à rien si les gouvernements ne s’impliquent pas réellement dans la réussite de ce programme et aussi les Etats qui ont le plus de responsabilités dans ces émissions de gaz. Il y a beaucoup de discours des gouvernements, chacun voit son intérêt et il n’y a pas encore de vision latérale et collective pour avoir une planète saine.