Michel Dada donne de la voix à Maripasoula, commune guyanaise de 10 000 habitants à la frontière du Surinam. Depuis 2012, cet autodidacte passionné est responsable d’une radio associative locale, créée à l’aide de l’association Afiikan-Lutu. Photographe, musicien, animateur.
« Je ne peux pas rester sans Maripasoula. Je peux partir deux ou trois ans, mais je reviendrai toujours. Mes racines sont là-bas », affirme avec conviction Michel Dada, photographe du service communication de Maripasoula, commune située au cœur du Parc Amazonien de Guyane, sur le fleuve Maroni. Avec son look atypique – crâne rasé sur les côtés et des locks attachées en une queue de cheval -, celui qui se fait surnommer Mel-X ne cache pas son attachement pour sa ville, même si elle reste isolée. Les seuls moyens d’y accéder sont la pirogue et l’avion. « Il n’y a pas de route pour se rendre à Maripasoula et dans les villages alentours. C’est donc très difficile d’avoir accès à l’information », regrette-t-il.
Passionné de musique depuis toujours, ce fan de Bob Marley est chanteur, claviériste et compositeur au sein du groupe Whiny Roots, qui éveillera en lui le déclic pour la radio. Le musicien, dont l’âge restera un mystère – même si on suppose une quarantaine bien entamée – se découvre en effet un intérêt pour la radio. « J’y ai pris goût quand on a commencé à nous inviter à des émissions avec mon groupe », se remémore-t-il. Alors, en juillet 2012, il fonde avec deux amis Radio Papakaï, une radio associative locale, pour que les Maripasouliens soient informés de ce qui se passe dans leur commune et aux alentours. « Maintenant, quand un événement se produit, les gens appellent à la radio pour nous avertir. Enfin… quand le téléphone passe ! Sinon, il faut partir à la recherche de l’information en pirogue ».
Pour Michel Dada, la radio est aussi un moyen de promouvoir la culture bushinengue* et ses traditions. Quand on lui demande à quelle ethnie il appartient, il chantonne, tout sourire : « I’m a black aluku and proud to be ! ». Père de quatre enfants, il accorde une attention particulière à la transmission de l’histoire de son peuple, surtout auprès des jeunes. « C’est important de savoir d’où on vient. Chez nous, la transmission est orale. On a déjà perdu beaucoup de notre savoir. Si on ne fait rien, on va finir par tout perdre », s’alarme-t-il. Bénévole enthousiaste, Mel-X consacre en moyenne cinq heures par jour à la radio. C’est avec entrain qu’il parle d’Aluku Vibes, l’émission culturelle qu’il anime. Le reggae et les musiques du fleuve y sont à l’honneur, comme l’aléké qui est rythmée par les sons des tambours.
« J’adore quand je suis seul derrière mon micro car je peux m’exprimer librement », confie-t-il. Il regrette cependant qu’il n’y ait pas plus d’animateurs et de moyens. Ce qui ne l’empêche pas de rester ambitieux pour Radio Papakaï, qu’il souhaiterait voir évoluer vers le web, et pour sa commune. « Pour le moment, le réseau Internet n’est pas assez stable. Mais dès que ce sera possible, on fera le nécessaire pour avoir un site sur lequel on pourra émettre comme les autres radios, explique-t-il plus motivé que jamais. Rien ne nous arrêtera ! »
*Les Bushinengue sont les descendants d’esclaves.
Liens
Office de tourisme de maripasoula
Dossier paru dans la revue Cahiers d’Outre-Mer « Les limites du modèle communal français en Guyane: le cas de Maripasoula »