L'oasis de Cayenne : le crack en veilleuse

Le crack, c’est la drogue du pauvre. À Cayenne, ce fléau touche de nombreux adultes en proie à la misère sociale. C’est dans cet univers trouble, qu’un lieu d’espoir accueille des consommateurs de drogues. Le CAARUD de Cayenne (Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques chez les usagers de drogues), de l’association Relais Drogue Solidarité, s’offre comme un dernier rempart, un espace d’apaisement pour s’éloigner, le temps d’un repas, d’une nuit ou d’un soin, du piège de la dépendance. Dans ce lieu atypique, les usagers retrouvent un peu de leur estime personnelle et pourquoi pas, une voie pour se sevrer…

À partir des années 1990 les narcotrafiquants se rabattent vers les Antilles et la Guyane comme marché de gros secondaire, pour contrer la baisse du marché des stupéfiants en Amérique du Nord. Cayenne devient alors la porte d’entrée de la cocaïne et du crack vers la France, l’Europe et le Brésil (1).

En fumant du crack, les toxicomanes assimilent 90% du produit. Les poumons étant la plus grande surface du corps entre l’extérieur et le sang qui irrigue le cerveau, cette technique d’absorption des drogues est la plus rapide et contribue à provoquer une forte et brutale dépendance.

Médicalement les effets de ces produits sur l’organisme sont radicaux, quelle que soit la quantité prise et la fréquence de consommation ; le crack augmente les risques de crise cardiaque, d’apoplexie, d’attaque ou d’insuffisance respiratoire… Un impact sanitaire qui touche davantage les consommateurs qui vivent dans la rue. C’est pourquoi le CAARUD de Cayenne travaille essentiellement avec ces personnes dépendantes au crack. Il aide ainsi les usagers en situation précaire à prendre conscience de leur situation de dépendance, pour pouvoir ensuite entamer le processus d’arrêt de la consommation, et envisager une réintégration sociale.

Oriane Eutionnat, éducatrice spécialisée au CAARUD de Cayenne, souligne que les personnes prisonnières de la dépendance « ne manquent pas forcément de volonté pour décrocher, mais souffrent plutôt d’une difficulté à se projeter ». La première étape nécessaire à l’arrêt total de la consommation de drogue pour le consommateur est la prise de conscience de sa dépendance. Il doit ensuite mettre en place les dispositions pour pouvoir y arriver, il peut devenir abstinent, mais souvent il y aura une rechute qui sera nécessaire pour confirmer son souhait d’arrêter la consommation de drogue.

Pourtant « on ne devient pas dépendant au crack instantanément », souligne Alexandre Perret, psychologue spécialiste en addiction au CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie). Il explique que l’addiction dépend de trois facteurs : le facteur biologique, le facteur psychologique et l’âge de la première prise. Un des enjeux déterminants serait donc de prévenir d’un usage trop précoce en communiquant autour des dangers de la dépendance à cette drogue.

Le CAARUD de Cayenne est l’un des seuls centres en France à proposer un hébergement et trois repas quotidiens. Il propose ainsi un environnement stable pour pouvoir décrocher, plutôt que d’attendre que le consommateur décroche pour ensuite l’aider : ce qui accélère considérablement cette démarche. Le personnel, composé essentiellement de femmes permet aussi de limiter les conflits et facilite l’échange avec les usagers.

Un résultat plus satisfaisant est-il possible ? Pour Charles Messager, président du CAARUD de Cayenne, « il est nécessaire de consolider les liens entre les différents moyens mis à disposition pour s’occuper des toxicomanes ». Aussi les activités, comme le travail, sont une absolue nécessité pour ne pas rechuter dans la toxicomanie. Au centre thérapeutique de ROURA, partenaire du CAARUD, des ateliers pratiques comme la cuisine, la menuiserie ou la peinture sont ainsi proposés pour aider à l’intégration professionnelle.

Mais le faible coût du crack, sa forte présence sur le territoire, notamment autour des centres de sevrage, et l’accès réduit aux droits communs et aux minimas sociaux, ne facilitent pas l’arrêt de la consommation du crack en Guyane…

 

Notes 

(1) OFDT Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanes.

(2) Modèle transthéorique de changement

 

Liens

Centre thérapeutique de ROURA

CAARUD de Cayenne

 

Localisation